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DE QUELQUES OBJECTIONS

Tout cela doit être fort beau aux yeux d’un prince russe qui a cent mille francs de rente et trente mille paysans.

On admirera donc aussi Racine dans la postérité la plus reculée, comme ayant donné la tragédie la meilleure possible pour les courtisans vaniteux et spirituels d’un despote, fort vaniteux lui-même, fort égoïste, mais raisonnable, attentif à jouer un beau rôle en Europe, et sachant employer et mettre en place les grands hommes. Partout où la monarchie se reproduira, Racine trouvera des partisans. Iturbide, en essayant un trône impérial à Mexico, littérairement parlant, n’avait fait autre chose qu’ouvrir un cours de littérature en faveur de Racine. S’il avait réussi, nos libraires auraient pu, en toute sûreté, expédier des pacotilles de Laharpe pour Mexico. C’est ainsi que, malgré l’intervalle de tant de siècles, nous comprenons dans Hérodote et nous admirons la conduite de Prescapès, courtisan de Cambyse, lorsque celui-ci, en se jouant, tue le fils de Prescapès[1].

Dans ses prétentions les plus élevées, le romanticisme ne demande qu’une simple concurrence pour la tragédie en prose.

Il n’y a ici nulle politique jésuitique, aucune arrière-pensée : voici la mienne tout entière. La tragédie mythologique restera toujours en vers. Il faudra peut-être toujours la pompe et la majesté des

  1. Hérodote, livre III, traduction pittoresque de P.-L. Courier.