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RACINE ET SHAKSPEARE

phrases, d’idées même, que renfermaient les livres antérieurs à cette épuration. Sans doute, en équivalent des pertes qu’un purisme si rigoureux lui faisait subir, la langue française a fait l’acquisition de quelques nouvelles formes de style irréprochables aux yeux de la critique. Je crois pourtant que la langue a perdu beaucoup d’expressions pittoresques et imitatives[1], et que par ce travail du goût elle a été plus épurée qu’enrichie. »

Ne voit-on pas sortir de toute cette révolution, décrite par Goëthe en 1805, et des habitudes qu’elle dut laisser, le caractère de pédantisme si marqué aujourd’hui chez nos gens de lettres d’un certain âge ? Les pédants du siècle de Louis XV n’ont plus accepté les choses nouvelles que de la part des jeunes courtisans et de ce qu’ils ont appelé le bel usage. Si les jeunes courtisans avaient été pédants comme les jeunes pairs d’Angleterre sortant d’Oxford ou de Cambridge, c’en était fait de la langue française, elle devenait un sanscrit, une langue de prêtres, un idiome privilégié ; jamais elle n’eût fait le tour de l’Europe.

« Chez un peuple plus raisonneur que sensible, qui a des opinions arrêtées, des préjugés tenaces, qui porte dans les plaisirs de l’esprit plus de pédanterie que d’enthousiasme, le génie est forcé de s’astreindre aux règles étroites qui lui sont prescrites,

  1. Que M. P.-L. Courier, l’auteur de la Pétition pour des paysans qu’on empêche de danser, cherche à lui rendre aujourd’hui, dans sa traduction d’Hérodote.