Page:Stendhal - Racine et Shakespeare.djvu/390

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
353
DE QUELQUES OBJECTIONS

ans, fit la cour à des Ragotins, et il achètera les œuvres de Scarron, si toutefois elles sont imprimées par Didot, dorées sur tranche et reliées par Thouvenin.

Cet homme de goût-là admirera tout de suite la noble Clarisse Harlowe ou les œuvres de madame Cottin. Prêtez l’oreille à la conversation des gens qui ne songent pas à se faire honneur de leur littérature, et vous entendrez citer dix fois le Roman comique contre une seule fois le noble Malek-Adel[1]. C’est que Ragotin a le beau idéal du rire ; il est lâche, il est vain, il veut plaire aux dames, quoique pas plus haut qu’une botte, et, malgré toutes ces belles qualités nous ne le méprisons pas absolument, ce qui fait que nous en rions.

Je regrette les phrases précédentes ; je ne trouve rien de respectable comme un ridicule. Dans l’état de tristesse aride d’une société alignée par la plus sévère vanité, un ridicule est la chose du monde que nous devons cultiver avec le plus grand soin chez nos amis ; cela fait rire intérieurement quelquefois.

Quant aux hommes que j’honore, je suis fâché de les voir me nier le mérite de Pigault-Lebrun, tandis qu’un mérite de beaucoup inférieur, pourvu qu’il soit dans le genre grave, attire sur-le-champ leurs louanges ; par exemple, Jacques Fauvel[2], où

  1. Personnage d’un roman de Mathilde. N. D. L. É.
  2. Les Mémoires de Jacques Fauvel, par J. Droz et L.-B. Picard.