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RACINE ET SHAKSPEARE

beau sentiment qu’ils appellent un raisonnement. Ils font la mine à tout ce qui n’est pas très-noble. C’est de cette classe privilégiée, destinée par la nature à aimer de passion les dindes truffées et les grands cordons, que partent les plus véhémentes injures contre notre pauvre Shakspeare.

Les artistes graves sont sujets à confondre, de bonne foi, ce qui est comique avec le laid ; c’est-à-dire, les choses créées défectueuses exprès, pour faire naître le rire, comme la manière de raisonner de Sancho, avec les choses tout bonnement laides par impuissance d’être belles, et que produit un artiste grave qui cherche le beau et qui se trompe ; par exemple, le sculpteur qui fit Louis XIV nu, en Hercule, à la Porte-Saint-Denis, et qui, comme M. Bosio, fidèle à la perruque, a conservé à ce prince la grande perruque bouffante, coûtant mille écus.

J’ai trouvé cette injustice envers le rire chez Canova ; et Vigano a été, parmi les grands artistes, que j’ai eu le bonheur d’approcher, le seul qui ait évité cette sottise !

Demandons-nous à la sculpture de rendre le mouvement, ou à l’art des David et des Girodet de représenter une nuit parfaite ? Il serait également absurde d’exiger d’un artiste qu’il sente le mérite d’un autre artiste qui s’immortalise dans le genre immédiatement voisin du sien. S’il trouvait ce genre préférable, il le prendrait.

Après avoir expliqué, tant bien que mal,