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RACINE ET SHAKSPEARE

mon exemplaire de Malthus, et que je vois débuter dans la carrière politique, même vertueuse ? Il va s’occuper dix ans de discussions politiques sur le juste et l’injuste, le légal et l’illégal.

Dois-je approuver davantage ce sage philosophe qui, retiré du monde à cause de sa faible poitrine, passe sa vie à trouver de nouvelles raisons de se mépriser soi-même ainsi que les autres hommes ? — Un tel être ne peut rire. Que voit-il dans le charmant récit du combat de nuit que Falstaff fait au prince Henri ? — Une misère de plus de la pauvre nature humaine, un plat mensonge fait pour un vil intérêt d’argent. Dès qu’on est là, l’on voit juste, si vous voulez ; mais l’on n’est plus bon qu’à orner le banc des marguilliers d’une église puritaine, ou à faire un commentaire sur le Code pénal, comme Bentham.

Mais, me dira un rieur alarmé, en perdant la cour, avons-nous perdu tout ce qui est ridicule, et ne rirons-nous plus parce qu’il n’y a plus d’Œil-de-Bœuf ? — D’abord, il est possible qu’on nous rende l’Œil-de-Bœuf ; on y travaille fort. En second lieu, heureusement, et par bonheur pour les intérêts du rire, nous n’avons que déplacé l’objet de notre culte ; au lieu d’être à Versailles il est sur le boulevard : la mode, à Paris, remplace la cour.

Je disais hier soir à un petit bonhomme de huit ans et demi : « Mon ami Edmond, voulez-vous que je vous envoie demain des meringues ? — Oui, si elles sont de chez