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RACINE ET SHAKSPEARE

Alceste n’est qu’un pauvre républicain dépaysé. Si l’on avait su la géographie, du temps de Molière, Philinte aurait dit à son ami : Partez pour la naissante Philadelphie. Ce génie bourru était tout fait pour le républicanisme ; il serait entré dans une église puritaine à New-York et y eut été reçu comme Gribourdon en enfer.

L’on a, je crois, plus de bonheur à Washington, mais c’est un gros bonheur, un peu grossier, qui ne convient guère à un abonné de l’opéra buffa. On y trouve sans doute des flots de bon sens ; mais l’on y rit moins qu’à Paris, même le Paris actuel, emprisonné depuis sept à huit ans par les haines entre le faubourg Saint-Germain et la Chaussée-d’Antin.

Voyez depuis deux mois (mars 1823) les ridicules essayés contre un ministre, M. de Villèle, dont on envie la place. À Washington, on eut attaqué ce ministre par des raisonnements d’une évidence mathématique. Le ministre n’en fût pas plus tombé ; la seule différence, c’est que nous n’aurions pas ri. Le gouvernement là-bas n’est qu’une maison de banque payée au rabais pour vous donner la justice et la sûreté personnelle. Mais aussi un gouvernement fripon ne fait pas l’éducation des hommes qui restent un peu grossiers et sauvages. J’estime beaucoup nos petits fabricants de campagne, la vertu est dans la classe des petits propriétaires à cent louis de rente ; mais je bâillerais si j’étais admis à leurs dîners durant quatre heures.