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DE QUELQUES OBJECTIONS

et finit toujours par lui revenir. Le bégueulisme est laissé dans un coin à bâiller et à maudire. Voyez les princesses romaines du dernier siècle, celle, par exemple, qui disposa de la tiare en faveur de Pie VI[1]. Les grands de leurs temps, qu’ils s’appellent Querini[2], Consalvi ou Canova, ont trouvé chez elles des confidentes pour toutes leurs idées, des conseillères pour tous leurs projets, et, enfin, jamais cette infériorité morale si affreuse à découvrir dans ce qu’on aime.

Je ne crains point de paraître un jour suranné, en parlant d’un trait de courage récent et qui occupe tous les esprits en France[3]. Eh bien ! la femme que j’aime, vous dirait un jeune homme, a l’âme qu’il faut pour l’admirer et avec enthousiasme ; ce qui lui manque, c’est l’habitude d’un

  1. Madame Falconieri, grande dame fort intrigante, et qui passait pour avoir beaucoup de crédit ; elle était mère de la jeune personne qui est devenue, dans la suite, duchesse de Braschi, par son mariage avec l’un des neveux de Pie VI. Ce pontife lui fut redevable de ses premiers succès dans la carrière ecclésiastique ; mais madame Falconieri, très-précieuse à ménager comme protectrice, n’avait rien de ce qui pouvait la faire aimer comme maîtresse. Braschi ne la fréquenta que peu de temps, s’en éloigna dès qu’il en eut obtenu la seule faveur qu’il en attendait ; et c’est seulement dans ces derniers temps que l’humeur qu’il avait excitée à beaucoup d’égards, et sa tendresse aveugle pour mademoiselle Falconieri, devenue sa nièce, ont fait dire qu’il en était le père.

    (Mémoires historiques et philosophiques sur Pie VI, t. I, p. 119.)

  2. Le dernier grand homme de Venise.
  3. Résistance de M. Manuel, le 4 mars 1823, à la décision de la veille, qui l’excluait de la Chambre des députés.