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DE L’ÉDITEUR

classe d’auteurs du xviiie siècle et qui donne un avant-goût détestable de nombreuses œuvres publiées dans la première moitié du siècle suivant. Pour tout le domaine des sentiments, Beyle était ainsi vraiment d’un autre âge, n’ayant jamais posé au pâle ténébreux, et n’ayant pas voulu davantage croire au rôle social du poète. Il lui plaisait au contraire de dire avec bien du bon sens : « Je n’ai jamais cru que la société me dût quelque chose. »

C’était en réalité un ami de l’ordre. Il détestait partout la boursouflure, mais, parce qu’il avait un cœur souvent contradictoire, il sut marquer sa tendresse pour ces périodes troublées où la passion se peut donner libre cours. On l’a même vu pousser ce culte extrême de l’énergie et des émotions fortes jusqu’à l’apologie du dérèglement. C’est par là, non moins que par son goût du romanesque et de l’histoire anecdotique, que Stendhal rejoint son époque amie des sentiments portés ci leur paroxysme. Stendhal ainsi ne se laisse jamais facilement enrôler. Luttant depuis 1817 pour le romantisme, il s’écartait résolument à l’heure de la victoire de tous les romantiques français. Ayant combattu pour le drapeau, il n’a jamais cessé d’être un isolé et, suivant le mot si juste de Colomb, « un colonel sans troupe ». Il est aisé de se rendre compte combien ses