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DE QUELQUES OBJECTIONS

à être écouté. Car, enfin, c’est un spectateur, et le poëte veut plaire à tous les spectateurs. Le pédant ne devient ridicule que quand il se met à juger avec un goût appris, et qu’il veut vous persuader qu’il a de la délicatesse, du sentiment, etc., etc. ; par exemple, Laharpe commentant le Cid et les rigueurs du point d’honneur, au sortir d’un ruisseau où un nommé Blin de Sainmore le jeta, un jour que l’académicien, fort paré, allait dîner chez un fermier général. Le commentateur du Cid, quoique un peu crotté, fit, dit-on, fort bonne contenance à table.

L’une des conséquences les plus plaisantes du bégueulisme, c’est qu’il est comme l’oligarchie, il tend toujours à s’épurer. Or, un parti qui s’épure se trouve bientôt réduit au canapé des doctrinaires.

L’on ne peut dire où fût arrivée la délicatesse du langage, si le règne de Louis XIV eût continué. M. l’abbé Delille ne jouissait déjà plus de la moitié des mots employés par la Fontaine. Tout ce qui est naturel, bientôt fût devenu ignoble et bas ; bientôt il n’y eût pas eu mille personnes parlant noblement dans tout Paris.

Je ne citerai point des exemples trop anciens pour qu’on s’en souvienne. Il y a deux ans (février 1823), lorsqu’il s’est agi d’aller délivrer l’Espagne, et lui rendre le bonheur dont elle jouit aujourd’hui, n’avons-nous pas vu quelques salons du faubourg Saint-Germain trouver de mauvais ton le discours de M. de Talleyrand ? Or, je le