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DE L’ÉDITEUR

il saute juste, mais le pied le plus sûr glisse quelquefois[1]. »

Ce n’était pas si mal se connaître. Et la chose était d’autant plus délicate que le romantisme de Stendhal était, lui aussi, chose assez paradoxale. En réalité, l’auteur prolonge autant le xviiie siècle qu’il annonce le xixe, et il est permis d’avancer que par son style et son goût pour une formule bien définie du roman, il demeure classique.

Quand il combat les unités au nom de la vraisemblance, il ne songe pas un seul instant que la tragédie classique peut, sans manquer à cette vraisemblance, ne pas excéder la durée d’un jour puisqu’elle n’entend peindre ordinairement qu’une crise qui se dénoue. C’est qu’il se moque bien de ce paroxysme critique, il veut assister au développement des passions. Prenez garde qu’il n’y a plus là une simple querelle de mots : deux systèmes littéraires sont opposés, et ce qui sépare ces deux conceptions radicalement contraires, c’est ce qui différencie le roman du théâtre. Il est croyable que Stendhal eût peu réussi à la scène, tandis que dans le livre il a laissé ses chefs-d’œuvre d’analyse en nous faisant toucher du doigt précisément comment la passion naît et se développe.

  1. Doris Gunnel : Stendhal et l’Angleterre, pp. 162–163. Traduit du New-Monthly, 1er avril 1823.