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DE QUELQUES OBJECTIONS

au faubourg Saint-Germain. L’on regrette un peu le temps des fées ; mais il y a deux siècles entre ces pauvres échevins de Paris, se perdant dans la boue sur le chemin de Versailles, et de grands seigneurs venant briguer une bourgeoise réputation de bien dire à la Chambre des députés, pour de là passer au ministère.


II. — De la conversation.

Les courtisans de tous les temps ont un besoin d’état ; c’est celui de parler sans rien dire. Ce fut un avantage immense pour Molière ; ses comédies vinrent former un supplément agréable aux événements de la chasse du jour, aux exclamations élégantes sur les ruses du cerf, et aux transports d’admiration sur l’adresse du roi à monter à cheval.

Notre conversation est dans une situation bien différente ; nous n’avons que trop de choses intéressantes. L’art ne consiste plus à économiser une petite source d’intérêt sans cesse sur le point de tarir, et à la faire suffire à tout, et porter la vie jusque dans les dissertations les plus arides ; il faut retenir, au contraire, le torrent des passions qui, prêtes à s’élancer à chaque mot, menacent de renverser toutes les convenances et de disperser au loin les habitants du salon. Il faut écarter des sujets si intéressants qu’ils en sont irritants, et le