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RACINE ET SHAKSPEARE

le cordon bleu ; la canaille, à laquelle on fait jeter force saucisses et jambons dans les grandes occasions, mais qu’il faut pendre et massacrer sans pitié dès qu’elle s’avise d’élever la voix[1].

Cet état de la civilisation présente deux sources de comique pour les courtisans : 1o se tromper dans l’imitation de ce qui est de bon goût à la cour ; 2o avoir dans ses manières ou dans sa conduite une ressemblance quelconque avec un bourgeois. Les lettres de madame de Sévigné prouvent toutes ces choses jusqu’à l’évidence. C’était une femme douce, aimable, légère, point méchante. Voyez sa correspondance pendant ses séjours à sa terre des Rochers, en Bretagne, et le ton dont elle parle des pendaisons et autres mesures acerbes employées par son bon ami M. le duc de Chaulnes.

Ces lettres charmantes montrent surtout qu’un courtisan était toujours pauvre. Il était pauvre, parce qu’il ne pouvait pas avoir le même luxe que son voisin ; et, ce qu’il y avait d’affreux, de poignant pour lui, c’étaient les grâces de la cour qui mettaient ce voisin à même d’étaler tout ce luxe.

Ainsi, outre les deux sources de haine indiquées ci-dessus, un courtisan avait encore, pour contribuer à son bonheur, la pauvreté avec vanité, la plus cruelle de toutes, car elle est suivie par le mépris[2].

  1. Mémoires de Bassompierre, de Gourville, etc.
  2. Lettres de madame de Sévigné. — Détails sur la vie