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DU ROMANTICISME DANS LES ARTS

1o Qu’il faut, dans la figure humaine, supprimer tous les petits détails qui n’expriment rien ;

2o Laisser, avec soin, aux détails que l’on conserve la physionomie de l’ensemble, le même degré de convexité dans les muscles. C’est ainsi que l’on fait le portrait pour la postérité.

Si le lecteur a la bonne foi et le talent de lire dans son âme, il y verra, je crois, que telle chose qui est intéressante dans la nature parce qu’il y a réalité, ne signifie rien dans les arts. Quoi de plus intéressant que de voir, à Montmorency, Jean-Jacques Rousseau écrivant, sur sa petite table, les lettres brûlantes de la Nouvelle-Héloïse ? Quel homme ne se fût pas arrêté pour jouir de ce spectacle ? Faites-en un tableau, il intéressera peu ; faites-en une statue, elle sera ridicule.

C’est que la sculpture fixe trop notre attention sur ce qu’elle entreprend d’imiter. Dans la nature, notre attention ne s’arrête pas à la perruque bien bouclée de Rousseau ; dans la sculpture elle nous fait rire. Vous venez de trouver dans la rue le rival qui veut vous enlever le cœur de votre maîtresse ; vous lui avez parlé, car vous êtes forcé de le ménager ; dites-moi quelle forme avait le nœud de sa cravate.

Dans le marbre, que voulez vous que me disent cette jambe et cette cuisse d’Appiani ?

Nues, par des contours grandioses (comme dans la statue de Phocion,) elles peuvent