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DU ROMANTICISME DANS LES ARTS

hommes distingués en tout genre sortent de la classe pauvre qui, en Angleterre, n’a ni le loisir de lire, ni l’argent nécessaire pour acheter des livres.

Supposons qu’il naisse un génie hardi en Angleterre. Au lieu de chercher à devenir un Shakspeare, il deviendra, s’il peut, un lord Erskine, ou mourra sur la route.

Supposons qu’un Voltaire naisse à Paris. Au lieu de publier la tragédie d’Œdipe et d’attaquer M. de La Motte, il cherchera à connaître M. Benjamin Constant et ensuite écrira dans le Conservateur ou dans la Minerve.

Savez-vous ce qu’on fait dans l’Amérique méridionale ? On y ampute les jambes aux malheureux blessés avec des lames de sabre[1]. Voila où en sont les arts utiles.

Dans l’Amérique du Nord, on songe à faire de l’argent et non pas à se procurer les douces jouissances des arts et de la littérature. Les premiers hommes du pays blasphèment les arts. Voyez cet Anglais si judicieux, Morris Birkbeck, parlant des chapiteaux de marbre que le gouvernement américain a fait venir de Rome pour les colonnes du Capitole de Washington.

Voyez la discussion sur l’achat de la bibliothèque que l’illustre Jefferson offrait au public.

Trouve-t-on dans toute cette Amérique, si prospérante et si riche, une seule copie en marbre de l’Apollon du Belvédère ?

  1. Monthly Revlew, par sir Richard Philips.