Page:Stendhal - Racine et Shakespeare.djvu/281

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
244
RACINE ET SHAKSPEARE

sophes grecs bâtirent mille systèmes plus bizarres les uns que les autres sur la nature de leur intelligence, avant d’avoir seulement examiné les opérations de cette intelligence. C’est un homme qui veut parler littérature et qui ne sait pas lire.

Ce qu’une impatience d’enfant a fait chez les Grecs, la grande autorité dont ont été revêtus parmi nous une certaine classe de savants l’a fait pendant deux ou trois siècles.

Les théologiens au lieu de se borner aux vérités lumineuses de notre sainte religion ont eu l’orgueil bien naturel à l’homme de vouloir nous expliquer la manière dont nous pensons. Le juste respect qu’on a pour eux a longtemps empêché de discuter ces matières. Or sans discussion libre, point de vérité. Le plus grand homme peut se tromper ; l’homme du génie le plus ordinaire peut entreprendre de le critiquer. Un cordonnier osait critiquer Praxitèle et un étudiant en médecine ose trouver à redire dans un ouvrage du plus grand poète d’Italie. Le chemin de la libre discussion est le seul pour parvenir a découvrir la vérité. L’homme du plus grand génie a besoin d’être critiqué pour ne pas se reposer sur un premier aperçu comme sur le résultat de ses méditations les plus profondes.

Voyons l’histoire de l’esprit humain à l’époque brillante de la civilisation grecque et romaine et a l’époque de Léon X, à ce moment si glorieux pour l’Italie où Raphaël et l’Arioste se sont tout à coup élancés au