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DE LA LANGUE ITALIENNE

del momento (tide, marée) a scrivere chiarissimamente sopra soggetti che in allora formavano la félicità o l’infelicità della loro vita est l’unique chose qui nous a empêchés d’inventer avant les Français la tournure la plus directe qu’on appelle mal à propos tournure française et que j’appellerai toujours la tournure naturelle.

Les gens passionnés étant chassés de l’empire de la littérature par les entraves ou par l’ennui, les pédants se sont trouvés les seuls dispensateurs de la gloire. Les jeunes pédants entrant dans la carrière ont voulu plaire aux pédants déjà vieux. Par conséquent, on a toujours imité les tournures de Cicéron ou de Boccace au lieu de porter dans les livres les tournures éminemment naturelles qui dans le courant de la conversation nous viennent fournies par l’émotion du moment. Jamais pour les tournures, le style imprimé ne peut trop ressembler au style de la conversation des gens bien nés. Remarquez que de 1550 à 1780, toutes les places dans les collèges ou dans les bibliothèques se sont trouvées dans chaque capitale à la disposition des pédants les plus vieux et qui, comme tels, s’étaient gagné la faveur du gouvernement.

C’est uniquement la sotte imitation de Cicéron et de son imitateur Boccace qui nous a empêchés, nous la nation la plus anciennement civilisée d’Europe, d’inventer la tournure de phrase naturelle. Voyez notre grand Lagrange, ce grand Italien inventeur d’un nouveau style en analyse ; comme,