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DE LA LANGUE ITALIENNE

vocaboli che tonati all’orecchio de’ cani li farebbero spiritare[1]. Je trouve cette expression triviale. Je viens d’expliquer pourquoi les écrivains actuels ont la mauvaise habitude de se parer de telles élégances.

Dès qu’un homme bien élevé veut exprimer avec force et exactitude le sentiment qui l’anime, il a recours à un mot de son dialecte.

Voilà l’immense danger qui menace d’engloutir, d’ici à trois ou quatre siècles, la langue du Dante et de l’Arioste. Le courage des âmes faibles consiste a nier le danger ; les grandes âmes le reconnaissent exactement et ensuite y appliquent le meilleur remède.

Le bel italien, l’italien qu’on écrit n’est pas un. On reconnaît toujours en lisant un livre soi-disant écrit purement, s’il sort d’une plume vénitienne ou napolitaine. Le bel italien ne se parle pas même en Toscane, car on annonce la traduction du Goffredo du Tasse en dialecte toscan, c’est-à-dire dans la langue de Cecco da Verlungo[2].

Toutes les tournures du vénitien, du milanais, du bolonais qui comme un lierre antique ont pénétré toutes les sinuosités du caractère national, les écrivains les portent sans s’en douter dans leur prétendu toscan. Dès qu’ils s’en écartent ils écrivent dans une langue morte.

  1. Pag. XXXIII.
  2. Monti, pag. XLII. E qualunque Toscano si fiderà alla sola favella pigliata dalla nutrice scriverà eternamente male malissimo. Pag. XXXIX.