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RACINE ET SHAKSPEARE

dans une chose de convention. Tels ont été dernièrement madame de Staël et M. de Chateaubriand. Au lieu de chercher à avoir des idées neuves et ensuite à les rendre d’une manière naturelle et claire, ces talents remarquables ont tourné toute leur attention vers le style en lui-même. Ils ont trouvé une manière affectée qui, par son brillant et par sa nouveauté, a caché pour quelque temps la pauvreté du fond de leurs idées. Ils ont mérité entièrement cette louange accordée jadis à un écrivain français qui, lui aussi, fut célèbre pendant vingt ans. Du temps de Louis XIV, on disait de Balzac en croyant le louer infiniment :

Et personne aujourd’hui ne parle comme lui.

Mme  de Staël et M. de Chateaubriand ont mérité exactement la même louange, et dans vingt ans, on les lira justement autant que l’on lit aujourd’hui Balzac, Voiture et tous les gens à affectation.

Je conclus de cette longue digression que l’on doit admirer l’établissement de l’Académie de la Crusca, que non seulement cette institution en soi est utile à notre langue, mais que probablement il est indispensable pour retarder le plus possible la vieillesse et la mort d’une langue quelconque qu’il y ait un tribunal, juge inexorable de la manière de rendre les idées et qui ne donne que le moins d’attention possible au fond même des idées.

Autrement tous les jeunes gens, toutes