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RACINE ET SHAKSPEARE

saire pour rendre son idée, la tournure indispensable pour exprimer son sentiment. Si dans les auteurs approuvés, il ne trouve pas ce dont il a besoin, il peut innover, mais il court une chance cruelle ; si quelqu’un peut lui démontrer qu’il a créé un mot ou une tournure, tandis que la langue française avait déjà un mot ou une tournure suffisante pour rendre son idée, il est impitoyablement sifflé comme ignorant ; il ne sait pas écrire, dit-on, et personne n’ouvre son livre.

L’Académie française et l’ambition d’y parvenir a donc été en France une loi suffisamment puissante pour faire respecter la base de toutes les langues qui ne sont autre chose que les signes convenus pour représenter les idées.

Si dans quelque lieu du monde un écrivain trouve plus commode d’inventer des signes que d’apprendre ceux qui sont convenus, et si cet écrivain n’est pas écrasé par le ridicule, la langue est perdue. Un des premiers signes de cette maladie mortelle, c’est que les étrangers renoncent à l’apprendre. En effet, il leur faudrait apprendre une nouvelle langue à chaque nouvel écrivain[1].

Considérez un des avantages de l’établissement de Richelieu ; l’Académie, toujours juge inexorable du style ne l’est

  1. Frédéric II, nourri des grands écrivains français, se plaignait de ne pas comprendre les petits gens de lettres affectés du règne de Louis XVI, les Pezay, les Dorat, etc…