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DE LA LANGUE ITALIENNE

GIORNATA QUARTA

— Je ne citerai que le moins possible la littérature anglaise. Elle est peu connue parmi nous, et, comme la littérature allemande, ses révolutions sont trop rapides pour inspirer beaucoup de confiance. Ces deux nations ont produit des hommes d’un génie admirable sans doute, mais nous cherchons à voir les littératures sous un autre point de vue. Les Anglais, après avoir élevé jusqu’aux nues et présenté aux autres nations comme leurs classiques éternels, Swift, Pope et Addison, conviennent maintenant qu’ils éprouvent un secret ennui à la lecture de ces hommes célèbres. Ils sentent la différence qu’il y a de l’esprit au génie.

La littérature française est le fruit d’une civilisation qui ne fut jamais la nôtre ; elle est destinée à émouvoir des cœurs trop différents des nôtres. Un proverbe vulgaire et très connu prouvera par un mot l’immense différence de nos caractères nationaux. Il est rare qu’un de nous n’ait pas à traiter d’affaires avec un Français, sans être impatienté de leur vivacité et sans s’écrier : Furia francese !

Ces deux petits mots suffisent pour me persuader profondément que la littérature de la nation italiene ne sera jamais la littérature de la nation française. Je n’en dirais pas autant de la philosophie, laquelle