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QU’EST-CE QUE LE ROMANTICISME ?

de grands progrès dans le premier moment de repos réel qui suit les convulsions politiques. Les pédants peuvent nous retarder de dix ans ; mais, dans dix ans, c’est nous, ignorants en livres, mais savants en actions et en émotions, c’est nous, qui n’avons pas lu Homère en grec, mais qui avons assiégé Tarragone et Girone, c’est nous qui serons à la tête de toutes choses.

Les jouissances que les Italiens demandent aux arts vont revenir sous nos yeux presque ce qu’elles étaient chez nos belliqueux ancêtres, du temps de l’archevêque Visconti, lorsque Milan toucha à la couronne d’Italie, lorsque nos ancêtres commencèrent à songer aux arts ; vivant entourés de dangers, leurs passions étaient impétueuses, leur sympathie et leur sensibilité dures à émouvoir ; leur poésie peint l’action des désirs violents. C’était ce qui les frappait dans la vie réelle, et rien de moins fort n’aurait pu faire impression sur des naturels si rudes.

La civilisation fit un pas, et les hommes rougirent de la véhémence non déguisée de leurs appétits primitifs.

On admira trop les merveilles de ce nouveau genre de vie. Il se forma des cours, dans lesquelles toute manifestation de sentiments profonds parut grossière[1].

D’abord on eut à la cour de Louis XIV les manières cérémonieuses des Espagnols. Et qu’on y prenne garde, ces manières

  1. Ceci est un extrait excellent de Johnson ; vous m’en avez averti. (Note en marge, de la main d’un inconnu.)