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RACINE ET SHAKSPEARE

rédacteurs exposent la théorie romantique, qui n’est autre que celle qui a servi de poétique à Homère, à Sophocle, au Dante à l’Arioste et au Tasse.

M. Schlegel, que beaucoup de gens, en Lombardie, prennent pour le chef des romantiques, est un homme plein de préjugés qui, parce qu’il a su bien traduire, s’imagine penser, et dont l’Edinburgh-Review a tourné en ridicule les systèmes. (Voir les no 50 et 51.)

On voit que pour nous autres Italiens nous devrions être, en général, du parti du Dante et de l’Arioste. Le seul auteur que nous avons dans le genre classique, encore a-t-il plusieurs choses du romantique, c’est Alfieri. D’un autre côté, il n’y a rien de plus romantique au monde que la Mascheroniana et la Basvigliana[1], poëmes évidemment fondés sur nos mœurs et nos croyances, et où l’antique n’est imité que pour quelques expressions heureuses. Pindemonte, l’un de nos grands poëtes, a fait avec succès des tragédies romantiques.

Je respecte le temps de mes lecteurs ; j’ai toujours devant les yeux qu’ils aiment mieux aller voir leur maîtresse, admirer le sublime ballet d’Otello, ou entendre les voix divines qui charment nos oreilles et savent si bien le chemin de nos cœurs[2],

  1. Poèmes de Monti. N. D. L. É.
  2. Allusion au délicieux concert donné dernièrement, au profit d’un malheureux militaire, par madame Elena Viganó, la prima dilettante d’Italia. Personne n’a jamais mis autant d’âme dans le chant.