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SECONDE PARTIE

doit afficher pour conserver sa place[1], ou pour avoir la croix à la première distribution. L’Académie a manqué de tact dans toute cette affaire, elle s’est crue un ministère. Le romantisme lui donne de l’humeur, comme jadis la circulation du sang, ou la philosophie de Newton à la Sorbonne ; rien de plus simple, les positions sont pareilles. Mais était-ce une raison pour jeter au public, avec un ton de supériorité si bouffon[2], l’opinion qu’elle veut placer dans les têtes parisiennes ? Il fallait commencer par faire une collecte entre les honorables membres dont le romantisme va vieillir les Œuvres complètes : MM. de Jouy, Duval, Andrieux, Raynouard, Campenon, Levis, Baour-Lormian, Soumet[3], Villemain, etc. ; avec la grosse somme, produit de cette quête, il fallait payer aux Débats les cinq cents abonnés qu’on allait lui faire perdre, et

  1. Un de mes voisins vient de renvoyer son abonnement au Journal des Débats (février 1825) parce que son troisième fils est surnuméraire dans un ministère.
  2. « L’Académie française restera-t-elle indifférente aux alarmes des gens de goût ?… Le premier corps littéraire de la France appréhendera-t-il de se compromettre ?… Cette solennité a paru l’occasion la plus favorable pour déclarer les principes dont l’Académie est unanimement pénétrée… pour essayer de lever les doutes, de fixer les incertitudes, etc. » (Page 3 du Manifeste.)
  3. Le Dieu qui fit le jour ne défend pas d’aimer.
    Saül, tragédie.
    Les romantiques proposent : « ne défend pas d’y voir. »