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SECONDE PARTIE

les jours depuis vingt ans, et un peuple de dix-huit millions d’hommes qui, au lieu de Sainte-Pélagie, a des potences, les sait par cœur et les cite à tous propos. Les éditions de ces tragédies se multiplient dans tous les formats, les salles sont remplies deux heures à l’avance quand on les joue ; en un mot, le succès d’Alfieri, mérité ou non, est au-dessus de tout ce que peut rêver même la vanité d’un poëte ; et tout ce changement est arrivé en moins de vingt ans. Écrivez donc, et vous serez applaudi en 1845.

La comédie que vous composerez aujourd’hui, et qui, au lieu du pauvre commis Bellemain de l’Intérieur d’un bureau, présenterait M. le comte un tel, p… d… F…, ne serait pas tolérée par le ministère actuel ? Eh bien ! mettez en pratique le précepte d’Horace, autrefois si recommandé, dans un autre sens, il est vrai ; gardez neuf ans votre ouvrage, et vous aurez affaire à un ministère qui cherchera à ridiculiser celui d’aujourd’hui, peut-être à le bafouer. Dans neuf ans, n’en doutez pas, vous trouverez toute faveur pour faire jouer votre comédie.

Le charmant vaudeville de Julien ou Vingt-cinq ans d’entr’acte[1] peut vous servir d’exemple. Ce n’est qu’une esquisse ; mais,

  1. Par Dartois et Xavier. N. D. L. É.