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RACINE ET SHAKSPEARE

Ce ridicule-là prétend-il à l’estime ? refusez-lui cette estime d’une manière piquante et imprévue, et vous serez comique. Je ne trouve, au contraire, rien de bien plaisant dans les prétentions des révérends pères jésuites, pauvres hères nés sous le chaume, pour la plupart, et qui cherchent tout bonnement à faire bonne chère sans travailler de leurs mains.

Trouvez-vous inconvenant de mettre en scène les ridicules d’un patriote qui après tout parle en faveur d’une sage liberté, et cherche les moyens d’inoculer un peu de courage civil à des électeurs si braves l’épée à la main ? Imitez Alfieri.

Figurez-vous un beau matin que tous les censeurs sont morts, et qu’il n’y a plus de censure ; mais en revanche quatre ou cinq théâtres à Paris, maîtres de jouer tout ce qui leur vient à la tête, sauf à répondre des choses condamnables, des indécences, etc., etc., devant un jury choisi par le hasard[1].

C’est dans cette supposition si étrange qu’Alfieri, dans un pays bien autrement tenu que le nôtre, bien autrement sans espoir, composa, il y a quarante ans, ses admirables tragédies ; et on les joue tous

  1. Parmi les habitants de Paris payant cinq mille francs d’impôt, et par conséquent partisans fort modérés de la loi agraire et de la licence.