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SECONDE PARTIE

comme bonne plaisanterie, notez bien, non pas comme mot égal au sans dot d’Harpagon, ou au Pauvre homme ! du Tartuffe, mais comme inconvenance étonnante, comme hardiesse dont on ne revient pas. On s’étonnerait de votre courage, mais ce serait un pauvre succès pour votre esprit ; car, dès qu’il y a censure dans un pays, la plus mauvaise plaisanterie contre le pouvoir réussit. M. Casimir Delavigne croit qu’on applaudit à l’esprit de ses Comédiens, tandis qu’on n’applaudit souvent qu’à l’opinion libérale qui perce dans des allusions échappées à la perspicacité de M. Lemontey[1]. Je dirai donc aux poètes comiques, s’il en est qui aient un vrai talent et qui se sentent le pouvoir de nous faire rire : « Attaquez les ridicules des classes ordinaires de la société ; n’y a-t-il donc que les sous-ministres de ridicules ? Mettez en scène ce patriote célèbre qui a consacré son existence à la cause de la patrie ; qui ne respire que pour le bonheur de l’humanité, et qui prête son argent au roi d’Espagne pour payer le bourreau de R***. Si on lui parle de cet emprunt : « Mon cœur est patriote, répond-il, qui pourrait en douter ? mais mes écus sont royalistes. »

  1. M. Lemontey était un des censeurs dramatiques. N. D. L. É.