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SECONDE PARTIE

DE LA CENSURE

Tous les poëtes comiques à qui l’on dit : Faites, s’écrient : « Dès que nous présentons dans nos drames des détails vrais, la censure nous arrête tout court ; voyez les coups de canne donnés au roi qui n’ont pas pu passer dans le Cid d’Andalousie[1]. » Je réponds : « Cette raison n’est pas si bonne qu’elle le paraît, vous présentez aux censeurs des Princesses des Ursins, des Intrigues de cour[2], etc., comédies fort piquantes, dans lesquelles, avec le tact et l’esprit de Voltaire, vous vous moquez des ridicules des cours. Pourquoi vous attaquer uniquement aux ridicules des cours ? L’entreprise peut être bonne et méritoire, politiquement parlant ; mais je prétends que, littérairement parlant, elle ne vaut rien du tout. Que l’on vienne nous dire dans le salon où nous rions et plaisantons avec des femmes aimables que le feu est à la maison, à l’instant nous n’aurons plus cette attention légère qu’il faut pour les bons mots et les plaisirs de l’esprit. Tel est l’effet produit par toute idée politique dans un ouvrage de littérature ;

  1. Tragédie de P. Lebrun. N. D. L. É.
  2. Dans les œuvres complètes de MM. de Jouy et Duval.