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RACINE ET SHAKSPEARE

mais j’en doute fort ; l’urlo francese est plus puissant que les tambours de Rossini ; rien de plus tenace que les habitudes d’un public qui ne va au spectacle que pour se désennuyer.

Je ne dirai pas que j’ai ou que je n’ai pas trouvé du romantique dans votre ouvrage. Il faudrait, avant tout, savoir ce que c’est ; et il me semble que, pour jeter quelque lumière sur cette question, il serait bien temps de renoncer aux définitions vagues et abstraites de choses qui doivent être sensibles. Laissons les mots ; cherchons des exemples. Qu’est-ce que le romantique ? Est-ce le Han d’Islande du bonhomme Hugo ? Est-ce le Jean Sbogar aux phrases retentissantes, du vaporeux Nodier ? Est-ce ce fameux Solitaire, où un des plus farouches guerriers de l’histoire, après avoir été tué dans une bataille, se donne la peine de ressusciter pour courir après une petite fille de quinze ans, et faire des phrases d’amour ? Est-ce ce pauvre Faliero[1], si outrageusement, reçu aux Français, et traduit pourtant de lord Byron ? Est-ce le Christophe Colomb de M. Lemercier, où, si j’ai bonne mémoire, le public, embarqué dès le premier acte

  1. Le Solitaire est un roman du vicomte d’Arlincourt, le « vicomte inversif ». Et Faliero d’après Marino Faliero de Byron est une pièce de Gosse. N. D. L. É.