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DU STYLE. 701 jamais été émouvant comme le premier volume de la Nouvelle Héloîse, Une partie de la noblesse de Fénelon vient du soin extrême avec lequel il prévient la plus pe- tite amphibologie, qui pourrait tenir un instant le lecteur en suspens. Comme les grands seigneurs de la cour de Louis XIV, en montrant du respect aux autres, il s’en fait rendre1. L’histoire naturelle écrite par Fénelon serait préférable du côté du style, et infiniment du côté des pen- sées, à celle de Buffon. C’était là la couleur convenable : la différence de la noblesse et de la majesté : la noblesse est une majesté plus naturelle. Après avoir écrit ceci, nous trouvons que J.-J. Rous- seau a reconnu l'excellence du style de Fénelon pour l’histoire, dans l'Emile : « Thucydide est à mon gré.... » jusqu’à : « Pas à cet âge. » Fénelon décrit les choses, et non pas la situation de son âme en les voyant. Ainsi, le cœur froid qui ne sympathise pas avec lui ne peut lui donner un ridi- cule. Nous remarquons que la première phrase d’Alibé (Féne- lon) présente tous les développements de la pensée dans l’ordre naturel, de manière qu'on pourrait mettre un point au lieu de chaque virgule, sans que le sens parût interrompu. Dans les phrases de Voltaire, l’attention est soutenue par de légères énigmes très- courtes. L’amour- propre des lecteurs veut les deviner, et leur attention est ainsi soutenue. Le style de Voltaire est excellent pour les

  • Voyez l’excellente peinture de son caractère dans Saint-Simon.