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plus sincère du Colysée, ne pourrait s’empêcher de trouver l’auteur ridicule à cause de son exagération ; et, pourtant, celui-ci n’aurait été occupé qu’à se rapetisser et à avoir peur de son lecteur.

Je ne parle pas du vulgaire, né pour admirer le pathos de Corinne ; les gens un peu délicats ont ce malheur bien grand au dix-neuvième siècle : quand ils aperçoivent de l’exagération, leur âme n’est plus disposée qu’à inventer de l’ironie.

Pour lui donner une idée quelconque des restes de cet édifice immense, plus beau peut-être aujourd’hui qu’il tombe en ruines, qu’il ne le fut jamais dans toute sa splendeur (alors ce n’était qu’un théâtre, aujourd’hui c’est le plus beau vestige du peuple romain), il faudrait connaître les circonstances de la vie du lecteur. Cette description du Colysée ne peut se tenter que de vive voix, quand on se trouve, après minuit, chez une femme aimable, en bonne compagnie, et qu’elle et les femmes qui l’entourent veulent bien écouter avec une bienveillance marquée. D’abord le conteur se commande une attention pénible, ensuite il ose être ému ; les images se présentent en foule, et les spectateurs entrevoient, par les yeux de l’âme, ce dernier reste encore vivant du plus grand peuple du monde. On peut faire aux