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PROMENADES
DANS ROME

Rome, 7 juin 1828.— Ce soir, après une représeulation d’Elisa e Caudio, qui nous avait fait un plaisir infini, car Tamburini chantait et nos âmes étaient disposées à la candeur et à la tendresse, la jeune marchesina Malhilde Dembos*** a été d’une éloquence admirable ; elle a parlé du dévouement sincère, plein d’alacrité, sans ostentation, mais sans bornes, que certaines âmes ont pour leur Dieu ou pour leur amant. C’est ce que j’ai entendu, dans ce voyage-ci, de plus voisin du beau parfait. Nous sommes sortis de chez elle, comme enivrés par notre enthousiasme subit pour une simplicité réelle et complète.

L’homme le plus naïf d’entre nous, me disait l’aimable Della Bianca, ne passe-t-il pas une partie de son temps à songer à l’effet qu’il produit sur les autres ? L’être qui brave le public est peut-être celui qui s’en occupe le plus. L’homme qui a de la candeur emploie tout ce temps à songer à sa passion ou à son art. Peut-on s’étonner de la supériorité des artistes naïfs