Page:Stendhal - Promenades dans Rome, I, Lévy, 1853.djvu/41

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

reras de faim dans la rue ! Il faut donc que les images du Giaour puissent braver l’expérience et le souvenir des réalités de la vie. Pendant qu’il lit, le lecteur habite un autre univers ; c’est le bonheur des peuples malheureux… Mais vous, Français, gais comme des enfants, je m’étonne que vous soyez sensibles à ce genre de mérite. Trouvez-vous réellement beau autre chose que ce qui est à la mode ? Mes vers sont à la mode parmi vous, et vous les trouverez ridicules dans vingt ans. J’aurai le sort de l’abbé Delille. »

Je ne prétends nullement que ce soient là les paroles expresses du grand poète qui me parlait, pendant que sa gondole le conduisait de la Piazzetta au Lido.

La phrase qu’on vient de lire est la dernière précaution que je prendrai contre la petite critique de mauvaise foi.

Je me souviens que j’eus la hardiesse de lui faire de la morale : « Quand on est si aimable que vous, comment peut-on acheter l’Amour ? »


Cette rêverie de Rome, qui nous semble si douce et nous fait oublier tous les intérêts de la vie active, nous la trouvons également au Colysée ou à Saint-Pierre, suivant que nos âmes sont disposées. Pour moi, quand j’y suis plongé, il est des jours où l’on m’annoncerait que je suis roi de la terre, que je ne daignerais pas me lever pour aller jouir du trône ; je renverrais à un autre moment.


19 août. — Paul, le plus aimable de nos compagnons de voyage, a pris le Colysée en grippe. Il prétend que ces ruines l’ennuient ou le rendent malade.

Voici la manière de se servir de cet Itinéraire : on peut faire les mêmes courses que nous, et alors lire le livre de suite ; ou bien, on peut chercher la description du monument que l’on se