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Rome, 16 août. — Le Colysée offre trois ou quatre points de vue tout à fait différents. Le plus beau peut-être est celui qui se présente au curieux lorsqu’il est dans l’arène où combattaient les gladiateurs, et qu’il voit ces ruines immenses s’élever tout autour de lui. Ce qui m’en toucbe le plus, c’est ce ciel d’un bleu si pur que l’on aperçoit à travers les fenêtres du haut de l’édifice vers le nord.

Il faut être seul dans le Colysée ; souvent vous serez gêné par les murmures pieux des dévots qui, par troupes de quinze ou vingt, font les stations du Calvaire, ou par un capucin qui, depuis Benoît XIV, qui restaura cet édifice, vient prêcher ici le vendredi. Tous les jours, excepté au moment de la sieste ou le dimanche, vous rencontrez des maçons servis par des galériens ; car il faut toujours réparer quelque coin de ruines qui s’écroule. Mais cette vue singulière finit par ne pas nuire à la rêverie.

On monte dans les couloirs des étages supérieurs par des escaliers assez bien réparés. Mais, si l’on n’a pas de guide (et à Rome tout cicerone tue le plaisir), on est exposé à passer sur des voûtes bien amincies par les pluies et qui peuvent s’écrouler. Parvenu au plus haut étage des ruines, toujours du côté du nord, on aperçoit vis-à-vis de soi, derrière de grands arbres et presque à la même hauteur, San-Pietro in Vincoli, église célèbre par le tombeau de Jules II et le Moïse de Michel-Ange.

Au midi, le regard passe par-dessus les ruines de l’amphithéâtre, qui, de ce côté, sont beaucoup plus basses, et va s’arrêter au loin dans la plaine, sur cette sublime basilique de Saint-Paul, incendiée dans la nuit du 15 au 16 juillet 1823. Elle est à demi cachée par de longues files de cyprès. Cette église fut bâtie au lieu même où l’on enterra, après son martyre, l’homme dont la parole a créé ce fleuve immense qui,