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presque toujours, jouit de l’autorité d’un premier ministre. Pendant les cent vingt-neuf années qui viennent de s’écouler, un seul segretario di stato a été décidément mauvais, le cardinal Coscia, sous Benoît XIII, et encore a-t-il passé neuf ans en prison au château Saint-Ange.

Il ne faut jamais demander de l’héroïsme à un gouvernement. Rome redoute avant tout l’esprit d’examen, qui peut conduire au protestantisme; aussi l’art de penser y a-t-il toujours été découragé et au besoin persécuté. Depuis 1700 Rome a produit plusieurs bons antiquaires ; le dernier en date, Quirino Visconti, est connu de toute l’Europe et mérite sa célébrité. A mon gré, c’est un homme unique. Deux grands poètes ont paru en ce pays : Métastase, auquel nous ne rendons pas justice en France, et, de nos jours, Vincenzo Monti (l’auteur de la Basvigliana), mort à Milan en octobre 1828. Leurs œuvres peignent bien leurs siècles. Ils étaient fort pieux tous les deux.

La carrière de l’ambition n’est pas ouverte aux laïques. Rome a des princes, mais leurs noms ne se trouvent pas dans l’almanach royal du pays (le Notizie de Cracas) ; ou, s’ils s’y glissent, c’est pour quelque fonction de bienfaisance gratuite et sans pouvoir, comme celles qui furent ôtées à M. le duc de Liancourt par le ministre Corbière. Si le gouvernement représentatif n’amenait pas à sa suite l’esprit d’examen et la liberté de la presse, quelque pape honnête homme, comme Ganganelli ou Lambertini, donnerait à ses peuples une chambre unique chargée de voter le budget.

Il faudrait alors des talents pour être tesoriere, c’est le nom du ministre des finances. Cette chambre pourrait être composée de dix députés des villes, de vingt princes romains et de tous les cardinaux. Autrefois ces messieurs étaient les conseillers du pape.