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pensées

que nous n’y en eûmes point. Voilà que la première impression que Versailles fera sur moi quand j’y retournerai sera triste, à moins qu’une passion ne me distraie.

2o il y a toujours beaucoup de petites sensations qui ne dépendent pas de nous. Ce nombre diminue à mesure que nous sommes plus riches. Exemple : en revenant par la pluie de la première représentation de Molière à Auteuil, j’eus de très douces sensations d’espérance, cela m’a rendu ami de la pluie douce à 11 heures du soir en revenant du Français. Si demain pareille chose m’arrivait dans le même lieu, probablement elle remontrerait encore à mes yeux les douces espérances que me donna La Fontaine. Cela peut exister tout différemment pour l’homme riche qui est revenu en voiture. L’homme riche est beaucoup plus sujet à l’ennui parce qu’il peut beaucoup plus prévoir ses sensations. L’homme riche est toujours de la même manière dans sa voiture, les signes qui pourraient lui rappeler les mêmes espérances seraient donc bien moins forts.

Le rythme se fonde presque entièrement sur la liaison des idées.

*

Un poète ne peut jamais donner à ses