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filosofia nova

par son oncle. Dans la tragédie : Mérope reconnaissant son fils.)

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Je suis aux Français à côté d’une jeune femme. On donne Andromaque. Mlle Duchesnois joue Hermione. Il est possible que la jeune femme la sente beaucoup mieux que moi, poète. Elle, qui s’est vue méprisée par un homme qu’elle aimait et importunée par un autre, s’attache à Hermione, reconnaît ses sentiments et éprouve ceux que le poète a voulu faire naître dans le spectateur. Moi, poète, j’admire combien les sentiments sont naturels, bien exprimés, je cherche s’il y aurait quelque chose de mieux à faire sur les mêmes sentiments. Analysant toutes les beautés, sensible aux plus petits défauts, je ne suis point ému.

Les plus fortes émotions que j’aie éprouvées au théâtre depuis deux ans sont celles que je sentis dans Hamlet lorsque Talma tourna la tête vers sa mère, celle que je sentis lorsqu’il entra en scène.

L’émotion que Monvel me faisait éprouver lorsqu’il disait avec le plus grand sang-froid mêlé de quelque peu d’amitié :

Je n’ai pas encor dit tout ce que je veux dire.