Page:Stendhal - Pensées, II, 1931, éd. Martineau.djvu/213

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
212
pensées

Plus une chose lui est utile, plus elle est vertueuse.

D’après cette dénomination un, homme peut être plus aimable aux yeux des hommes en étant moins vertueux.

Par exemple Paul fait une action qui a six degrés d’utilité pour le public. Elle ne lui coûte que deux degrés d’effort sur lui-même. (Voici où est la difficulté qui m’arrête. C’est trouver la commune mesure de ces efforts des hommes. Est-ce en fonction de leur vie ?)

Jean en fait une qui n’a que cinq degrés d’utilité, mais qui lui coûte quatre degrés d’effort.

Il est moins utile au public que Paul, mais bien plus aimable à ses yeux. Car il se dit : la tête de cet homme n’a besoin que d’être éclairée et il aura plus de force qu’il n’en faut pour faire des actions utiles à dix degrés qui est le maximum.

Jean aura une naïveté délicieuse au public si après avoir découvert ses combats au public en s’en accusant, et à mille lieues d’en vouloir tirer avantage, il lui dit : je vaux moins que Paul, son action est utile à six degrés et la mienne n’a que cinq degrés.

*

Tous les hommes agissent suivant ce