Page:Stendhal - Pensées, II, 1931, éd. Martineau.djvu/193

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
192
pensées

L’avare-fastueux tendrait au même but que nous tous qui avons de la vanité.

Qui nous dit qu’Harpagon soit malheureux de sa passion ? Nous sommes bien témoins des inquiétudes que lui donne son cher argent, mais qui nous dit que lorsqu’il le contemple en beaux louis d’or bien trébuchants, ses jouissances ne passent pas ses peines, ne passent pas nos jouissances à nous ?

Nous voyons souvent un amant avoir autant d’inquiétudes pour sa maîtresse qu’Harpagon pour son or et cependant nous nous mettons à sa place, nous envions sa position.

Nous sommes seulement plus éloignés de partager la passion d’Harpagon, voilà toute la différence.

La pièce de Molière serait plus comique si cette passion était malheureuse à la fin. Nous dirions : nous sommes bien assurés que nos désirs n’auront pas le même sort. Mais on rend sa cassette à Harpagon, le voilà aussi heureux que nous pouvons espérer de l’être.

Alors que la fête que l’avare-fastueux voudrait donner marquante serait ridicule par le manque de toutes choses, il la croirait toujours superbe et à chaque instant il serait mortifié par la conception