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filosofia nova

notre triomphe quand nous rions. Quelques-uns ont dit que c’est l’esprit renfermé dans un bon mot qui excite cette joie[1]. L’expérience démontre qu’il n’en est pas ainsi puisqu’on rit d’un accident, d’une sottise, d’une indécence, dans lesquels il n’y a ni esprit ni mot plaisant.

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Comme une même chose cesse d’être risible quand elle est usée, il faut que ce qui excite le rire soit nouveau et inattendu. Souvent on voit des personnes, et surtout celles qui sont avides d’être applaudies de ce qu’elles font, rire de leurs propres actions quoique ce qu’elles disent ou font ne soit nullement inattendu pour elles. Elles rient de leurs propres plaisanteries et dans ce cas il est évident que la manière d’exister[2] nommée rire est produite par une conception subite de quelque talent dans celui qui rit.

L’on voit encore des hommes rire des faiblesses des autres, parce qu’ils s’imaginent que ces défauts d’autrui servent à faire mieux ressortir[3] leurs propres avantages.

  1. Je change à ma manière le style de Hobbes.
  2. Hobbes dit passion.
  3. Le livre dit : sortir. Deux manières de ressortir : ou à les leur faire mieux voir ou à leur montrer que les autres le voient mieux.