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pensées

trigue. Il faut donc s’attacher à acquérir toutes les qualités qui peuvent assurer le succès de celles auxquelles je me livrerai. J’ai observé qu’une aisance affectée nous nuisait souvent beaucoup, et voici comment je crois que l’on doit agir. Dans une intrigue on n’a besoin que de deux ou trois personnes, avec celles-là il ne faut rien négliger, rien supposer, entrer dans les plus petits détails et parcourir toutes les chances du possible, en leur indiquant la manière de se conduire. Avec les autres au contraire il faut se dessiner une marche superbe, ne douter de rien, s’étendre avec complaisance sur les masses, leur donner un air de génie qui est toujours imposant, s’arrêter très peu sur les détails qui, s’ils sont justes, ont presque toujours un air de trivialité. On parvient ainsi à tirer des indifférents tout ce à quoi ils nous sont bons, ils parlent de nous avec admiration et nous secondent de tout leur pouvoir, si le hasard leur fournit l’occasion de nous être utiles, trop heureux à leurs propres yeux de pouvoir entrer pour quelque chose dans une entreprise conduite par le génie.

Voilà ce que je pensais en t[hermidor] an X, aujourd’hui 9 pluviôse an XI[1] je pense un peu différemment. Je connais

  1. [29 janvier 1803].