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pensées

motifs à son amour-propre secret en lui fournissant l’occasion de montrer ce, qu’il sait le mieux.

Pour pratiquer cette maxime avec tout l’avantage possible, il faut avoir le talent de bien écouter.

Je voudrais introduire dans mon ouvrage cette touchante et mélancolique philosophie de ces octaves du Tasse :

Deh mira, egli canto,
spuntar la rosa…

*

Pompée dans l’éclat de la jeunesse, de la beauté, et d’un triomphe refusé, se présentant aux censeurs tenant son cheval

    écoutez. C’est de là que je tire la véritable théorie de la flatterie. Et l’on voit qu’on ne doit rien épargner, avant d’entreprendre de plaire à un homme, pour découvrir ce qu’il pense intérieurement de lui-même et quelle est la marotte de son amour-propre.

    Il y a une sorte de danger à montrer publiquement les pensées qu’on a sur le caractère de l’homme. Chacun sent bien intérieurement que vous observez les hommes dans vous-même, alors si vous lui révélez un principe qui ne soit pas favorable à son amour-propre, il est très disposé à s’en venger en ne croyant la vérité que vous annoncez vraie que pour vous. Ainsi si vous dites à certains hommes que l’amour-propre est le principe de toutes nos actions, ils croiront tout de suite que c’est le principe de toutes les vôtres et ne s’embarrasseront pas ensuite il chercher s’il est vrai pour d’autres.