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pensées

que j’éprouvai la première fois que je vis jouer l’Optimiste de Collin.

Tout le monde a de la vanité, je n’ai vu jusqu’ici personne qui en manquât, surtout les Français. Est-ce un caractère particulier à nous, ou est-ce tout bonnement que nous sommes plus civilisés ?

J’ai cru jusqu’ici que les passions devaient plaire dans le monde à ceux avec qui j’aurais affaire, et l’air passionné aux autres. C’est peut-être la vanité qui m’a fait croire çà. Je croyais n’avoir besoin pour plaire que de me montrer tel que j’étais, j’apportai cette opinion à mon retour d’Italie (nivôse an X), je n’en suis désabusé que dans messidor XII (29 mois, 15 jours après).

J’ai beaucoup changé depuis 29 mois. Je connais l’empire de la vanité sur les hommes. Je n’ai donc plus à vaincre que les mauvaises habitudes que m’avait données mon faux système.

Si en arrivant à Paris en germinal au X j’avais eu le bon sens de me montrer tel que j’étais, je n’aurais pas perdu tant de batailles en fructidor an X auprès d’Ad[èle]. Elle aurait vu ma timidité et puisqu’elle m’aimait elle l’aurait encouragée. Au lieu de cela, elle me crut ce que je feignais d’être, elle fut trompée dans son attente, et tout fut perdu. Donc même alors avec