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pensées

Voyant sur un journal un article sur la vanité des hommes de lettres il me dit avec la figure la plus exprimante que je lui aie jamais vue : « il y a beaucoup à dire là-dessus. »

Réellement Tencin est un homme distingué mais quelle ignorance et quelle vanité !

Prendre l’habitude d’écrire ces petites réflexions tout de suite ; celles-ci n’ont pas la vérité avec laquelle j’aurais pu les écrire il y a 4 jours. Je n’écrivis pas tout de suite l’erreur de Mallein à la pompe de Genève, causée par sa trop grande vivacité, et j’aurai beaucoup de peine à m’en souvenir.

*

Je sens que je deviens raisonnable, que je me mûris. Je vois s’affaiblir et mourir d’anciens préjugés d’école que j’aurais mis dans mes écrits si j’avais produit plus tôt. Je serai, je l’espère, l’écrivain qui aurai le moins offensé la vanité de mes lecteurs, et par conséquent celui qui aurai le plus de grâces. C’est Tencin qui m’a fait faire toutes ces réflexions. Chez nous autres Français, dans ce moment-ci (messidor XII) la vanité remplit toute l’âme. Pourquoi est-ce qu’on aime le délicat, pourquoi préfère-t-on Racine et Raphaël