délicatesse et la finesse. Pour avoir ces qualités il faut laisser beaucoup entendre sans rien dire de trop clair, surtout remplir scrupuleusement les convenances. C’est l’origine du crédit dans le monde. Pour peu qu’on le connaisse on sent bien qu’on ne peut avoir de prise sur un homme qu’autant qu’il manquera de finesse. On a donc du crédit en proportion de l’usage qu’on a.
Hier sous ma fenêtre un cocher de fiacre disait en parlant d’un autre : « Tiens l’autre, on veut plaisanter, et il n’entend pas la plaisanterie. » Chez quelle nation trouvera-t-on de pareilles choses dans la bouche de gens de cet état ? Le Français veut avoir de l’esprit, c’est là sa manie. Au lieu de tant de passions qu’il serait difficile de distinguer et de manier dans la société, il suffit donc de s’attacher à la connaissance de la vanité : et pour la flatter avoir une fine gaîté dans la conversation, et il ne faut pas craindre d’être inintelligible, c’est là le sublime du genre. On se gardera bien d’avoir l’air de ne pas comprendre.
Je sens en écrivant des lettres que plus mes phrases sont bien arrangées et moins elle signifient, plus je m’approche du bon ton. Il ne faut donc jamais écrire de lettres, ni faire de visites, dans les moments de passion.