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pensées

Je lis Jones[1] du 15 au 18 vendémiaire XII [du 8 au 11 octobre 1803] pendant ma maladie qui peut contribuer à me faire moins goûter ses beautés. Si un homme avait fait le plan de ce roman et qu’un second l’eut exécuté, le second n’aurait presque pas de mérite à mes yeux. Il y règne un ton goguenard perpétuel qui n’est point agréable. Toutes les conversations et lettres d’amour sont manquées. Dans les premiers livres qui devaient être délicieux l’auteur ne donne que des résumés de conversation et ne montre jamais ses personnages parlant. Malgré tout ce que M. de la Place dit avoir élagué, il y a encore une prolixité fatigante dans les moindres détails, et Fielding ne décrit jamais le lieu où se trouvent ses personnages ce qui nuit souvent à l’effet. M. Western et Pastridge m’ont l’air de charges plutôt que de caractères, l’air républicain d’Angleterre peut cependant produire des caractères qui aient l’air hors de nature aux yeux d’un homme gâté par les mœurs de courtisan. Le roman réduit à deux volumes paraîtrait très bon.

  1. Ce fragment se trouve sur un feuillet perdu au tome 15 des manuscrits cotés R. 5806. N. D. L. É.