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filosofia nova

vaste. L’homme qui dans cette position ne fera que des ouvrages égaux à ceux de Corneille, Molière et Racine sera donc dans le fait moins grand homme qu’eux.

J’ai la qualité la plus essentielle peut-être à l’homme qui veut devenir poète, une imagination excessivement vive, qui voit tout ce qu’elle pense. La preuve est que je ne puis pas faire d’abstraction complète.

Dans la position d’esprit où je me trouve la campagne est ce qui me convient le mieux. Y lire sans cesse les auteurs modèles et rien qu’eux. Le poète doit écrire, le philosophe juger. Helv[étius] était plus en état d’apprécier Corneille et Racine que Corneille Racine et Racine Corneille.

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27. Le grand défaut des héros de Voltaire c’est qu’il semble qu’ils se disent : « Allons, je vais dire une belle parole, je vais faire une belle action. »

C’est une faute contre la belle nature, le vrai héros fait sa belle action sans se douter qu’elle est belle (du moins sans lui croire ce degré de sublimité que la postérité lui assigne) ; il la trouve juste et il la fait souvent avec effort. Plus il sacrifie à la justice, plus il nous semble grand. Brutus est donc le plus grand des hommes.