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gination enflammée qu’en France. S’ils avaient pu depuis trois siècles être naturels en écrivant, leur littérature balancerait la nôtre. Mais tout ce qui a écrit est un sot pédant ou hypocrite ou du moins enchaîné. De là le manque total en italien de tournures vives, nobles, pittoresques, pour exprimer les idées fines. De là le manque de goût qui porte les génies les plus nobles et les plus élevés à employer des images révoltantes et basses[1].

Toutes les prétentions de la noblesse les Toscans les portent dans la littérature et, semblables aux plébéiens de Rome, les autres Italiens crient sans cesse contre la tyrannie, mais dès qu’il s’agit de porter les mains sur elle et de la renverser ils sont saisis d’un respect superstitieux[2].

Les Toscans, tantôt avec la franchise de l’orgueil, tantôt avec toute la souplesse du jésuitisme, veulent faire prévaloir cette maxime : « Tout mot employé en Toscane, même par la canaille, est excellent italien, car l’italien c’est le toscan. »

Les littérateurs de Venise, de Naples, de Milan, de Piémont, disent : « La langue généralement employée par les Italiens qui ont écrit avec succès depuis cent ans est le véritable italien. »

  1. Dea cloacine.
  2. Traité de M. le Comte Jules Perticari, 1818, Milan.