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ici J.-J. Rousseau n’aurait trouvé à imprimer ses cinq ou six premiers ouvrages. Mais surtout l’Italie actuelle repousse absolument les Marmontel, les Duclos, les Saint-Foix, les Lacretelle, les Chamfort, les Dalembert, les Palissot, les Suard, tous les bons écrivains dans le genre médiocres qui font la richesse d’une littérature, en forçant les grands hommes à s’élancer au delà. Marmontel, par exemple, en écrivant des ouvrages qui n’étaient pas absolument plats (sous le côté moral et politique[1]), parvint à amasser un petit pécule de 120.000 francs qui fit le bonheur et la tranquillité de ses vieux jours. En Italie, s’il s’était roidi contre la nécessité, il eût fini comme Gianone. Mais comme les gens de cette dose de génie ne se roidissent contre rien, il eût été un pédant fort considéré dans quelque université.

Donc s’il naît des gens de génie en Italie, ou plutôt si quelque homme de génie peut se montrer au public, il sera né noble ou riche ; et n’ayant pas affaire à un public rendu difficile par les Marmontel et les Suard, il se permettra beaucoup de choses communes.

  1. En marge, note de Stendhal : « absolument avili par le respect pour l’autorité. »