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qui, par une de ces fatalités que toute la prudence humaine ne saurait prévoir, avait été renvoyé à Rome, au commencement de la promenade, pour y chercher la pelisse de sa maîtresse. Ce qui est certain, c’est qu’aucune tentative ne fut faite ; et peut-être aucun effort n’eût-il pu la sauver. La vie cependant rallia deux fois ses forces, et reparut dans toute l’horreur d’une lutte inégale avec la mort ; deux fois la jeune fille se souleva sur l’eau, et agitant sa cravache au-dessus de sa tête, appelant ses amis par les noms les plus tendres, leur cria de « la sauver, de la sauver ! » L’instant d’après, elle disparut sans qu’on la revît ou l’entendit davantage. Son cheval, emporté par le courant, aborda plus bas.

Le lendemain, tout Rome accourut en foule au lieu de la catastrophe. Cinquante louis furent offerts pour retrouver le corps, mais des personnes de toutes classes s’occupaient déjà de cette recherche, sans autre motif que l’humanité. Rien ne peut être plus honorable pour le peuple romain que la part qu’il prit à ce désastre. Dans ce pays, la jeunesse, la beauté, le malheur, éveillent bien plus de sympathie que les révolutions des empires.

Son oncle se retira à la villa Spada, où sa douleur prit pendant plusieurs jours