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l’ambition et la gloire des chevaliers français. À tout cela se joint une sorte d’indifférence philosophique pour le grandiose de sa charge, parfois très plaisante, et qui décontenance souvent ses collègues. Je l’ai vu fréquemment se promener à pied sur le Corso, sans un seul domestique, s’arrêter de distance en distance, avec une admiration sincère, devant chaque nouvelle fenêtre ou devant le portrait monstrueux de quelque bête sauvage nouvellement débarquée ; et lorsqu’il s’apercevait qu’il était observé, laissant retomber son lorgnon, se redressant, et pressant le pas, comme honteux d’avoir été surpris pour la centième fois en flagrant délit et dans l’oubli total de sa dignité. Mais ceci n’a rien à faire avec les qualités plus solides de son cœur : le triste événement de la mort de miss Bathurst les montra sous le point de vue le plus favorable. Il est vrai que la ville entière en fut extrêmement affectée, et la part que l’ambassadeur eut à cette catastrophe doubla en lui l’émotion générale. Il fut obligé de garder le lit pendant plusieurs jours et quoique je le vis ensuite assez bien remis, je doute fort que, tout Français qu’il est, il puisse jamais oublier la fatale cavalcade du Tibre.

L’histoire de cette intéressante jeune fille est déjà en partie connue du public ;